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Une rage nationale

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rage3Dans ce climat détestable de crise politique et institutionnelle, et de menace terroriste directe, difficile d’évacuer la rage qui me ronge devant les menées tactiques de la droite et de la gauche.  Réponse tactique qui remplace vision et projet, qui monopolise leur attention. La question a définitivement cessé d’être l’élaboration d’un projet, celui qui serait « bon pour la France », la priorité est passée à l’observation de l’état supposé de l’électorat pour s’efforcer d’y coller – voire le manipuler, pour y parvenir. Eux songent à leur carrière, leurs postes de dans dix ans, nos vies ne sont que l’instrument de leurs ambitions.

Depuis des années, on nous serine la fin du clivage droite / gauche, appelée de ses vœux par des intérêts divers. Clivage dans lequel je me reconnais déjà difficilement, tant les positions de certains socialistes (certes pas les plus médiatiques, mais je pense à Dominique Pottier ou encore Jo Spiegel) rejoignent davantage ma conception du bien commun que celles de nombre de politiques de droite. Mais cette prétendue prophétie n’est-elle pas auto-réalisatrice ? Et dans quelle mesure ne traduit-elle pas simplement la recherche absurde et effrénée du clivage, le vrai clivage, celui qui marquerait la véritable ligne de fracture, la ligne jaune qui mettrait définitivement la moitié des Français d’un côté et l’autre moitié de l’autre, celui qui diviserait bien et irrémédiablement les Français ? Oh bien sûr, on perçoit bien l’intérêt des politiques : ils clarifient, divisent et excommunient. Mais est-ce notre intérêt, à nous Français ? Est-ce l’intérêt du pays ? Ils ont oublié la vocation du politique, oublié l’ambition de rassembler, non pas pour trouver un consensus creux mais parce que si nous formons un pays, une nation, nous devons nous efforcer, avec toutes nos différences, de marcher ensemble. Après les attentats du 13 novembre, et dans la perspective évidente de nouveaux attentats, de nouveaux massacres, qui flingueront des Français bien réels, bien charnels, feront d’autres orphelins et blesseront une fois encore tout un pays, il est odieux et insupportable de les voir parler encore de politique tacticienne ! La dignité n’a duré qu’une semaine, le temps d’une suspension de campagne.

Car c’est bien à cela que nous assistons, et probablement y-a-t-il aussi une culpabilité générale à ne pas interpeller avec plus de virulence les politiques non sur leurs tactiques mais sur leurs visions, non sur leurs alliés de circonstance mais sur leur capacité de rassemblement.

Inutile de rappeler les mouvements tactiques de ce dimanche, qui ne vont pas tous dans le sens de la clarification et du respect des électeurs. Mais à plus long terme, se lève le soupçon d’une volonté commune, à droite et à gauche, d’une recomposition tacticienne du paysage politique.

Et que proposent-ils en remplacement, sinon une hystérisation du clivage droite / gauche actuel ? Un clivage libertaire / autoritaire ? Valls – Le Maire d’un côté, Le Pen – Sarkozy de l’autre ? Il n’y a guère moins d’autoritarisme chez le premier que de libertarisme chez ce dernier. Un clivage souverainisme / mondialisme ? Croit-on vraiment que cela dessine une ligne ?

A droite, Nicolas Sarkozy caresserait le projet d’un virage à droite, d’une campagne « très à droite ». La répétition du mot d’ordre frise le ridicule. Combien de virages à droite est-il donc possible de prendre sans tourner en rond ? Combien de fois va-t-il trouver dans la droitisation supposée de l’électorat une excuse pour justifier sa ligne ? Combien de scrutins a-t-il perdus en psalmodiant « droitisation » comme un mantra, depuis 2007 ? Tous. Et aujourd’hui le Front National est devant Les Républicains. Peut-il aller plus à droite encore une fois sans fusionner avec le Front National, ou quelques transfuges ? Qu’est-ce qui distingue encore les deux ? Les subventions au Planning Familial, qu’il a brandies de façon incompréhensible devant David Pujadas ?! A supposer que l’électorat se soit droitisé, il n’est pas sans responsabilité dans cette droitisation. Parce qu’il est toujours plus facile de crier plus fort que de parler plus juste. « Si ça n’a pas marché, c’est qu’on n’en a pas fait assez ». J’attends d’un vrai leader politique qu’il dessine le projet dont il estime dans son intime conviction qu’il est bon pour le pays, pour ensuite s’efforcer de rassembler loyalement sur celui-ci. Et je vous fiche mon billet qu’un leader politique décidé à déployer son talent et son énergie à recentrer l’électorat – ou, plus qu’à recentrer, ce qui paraît toujours suspect à certains, à rassembler – il y parviendrait.

A gauche, François Hollande et surtout Manuel Valls ne portent guère moins de responsabilité et ce dernier fait preuve de plus de cynisme encore. Je l’avais évoqué il y a bientôt un mois, ce funeste 13 novembre, dans ce billet : Valls avec Marine. Manuel Valls sait pertinemment qu’il ne pourra jamais être le candidat de la gauche dans sa configuration actuelle. Lui qui a toujours été minoritaire au parti socialiste n’emporte pas davantage l’adhésion aujourd’hui. Alors, oui, j’apporte un certain crédit aux velléités de recomposition artificielle qu’on lui prête. Valls contre Le Pen, c’est sa seule chance. Et tant pis pour moi, tant pis pour nous, tant pis pour les Français, tant pis pour la France. Il en a tiré son parti, quitte même à favoriser l’installation du Front National par la déclaration insensée qui justifiait mon billet, sur l’éventuelle fusion de listes, dès la mi-novembre. Aujourd’hui, dans l’un de ses excellents contrepoints, Guillaume Tabard pose plus franchement la question :

Peut-être est-ce finalement l’objectif caché du premier ministre : préparer cette fluidité électorale entre la gauche et la droite, ou du moins entre le PS, les Républicains et les centristes. Valls pense déjà à 2017 et à l’après-2017.

Je ne suis ni totalement béotien ni parfaitement naïf et je conçois parfaitement que la politique ne se passe pas de réflexions tactiques. Je refuse d’en être le pion complaisant, et j’ose cet élémentaire rappel : c’est la tactique qui est au service des convictions, pas l’inverse. Ou l’électeur fait crédit à celui qui parait en avoir, quelles qu’elles soient.

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